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La douceur, la force de l'acier (n°3)

Dernière mise à jour : 28 janv. 2021

Dans un monde où la compétition fait rage, où l’agressivité verbale semble être devenue un moyen de communication courant et que l’on utilise à tout va pour obtenir ce que l’on veut, on pourrait penser que la douceur, face à des personnes rudes et dures, est devenue une forme de faiblesse. Nous confondons parfois la douceur et la mollesse.


Pourtant, tel un diamant, la rareté de cette qualité n’en fait-elle pas un bien précieux ? Et se pourrait-il que la douceur soit en fait, un signe d’une grande force intérieure ?


A l’image d’un cheval sauvage que nous tentons de dompter, peut-on dompter notre nature indisciplinée voire insoumise, en usant de douceur et ainsi améliorer nos relations et favoriser notre paix intérieure ?


Concrètement, qu’est-ce que la douceur ? Comment cette qualité peut nous aider à avoir une vie plus épanouie ? Comment la mettre en œuvre envers soi et envers les autres afin de favoriser nos relations ?




La douceur ou la force de l’acier

La douceur est une qualité morale qui tend à être bienveillant, on parle aussi de douceur de caractère. Elle est étroitement liée à l’humilité. L’opposé de la douceur est la rudesse ou encore la dureté.


Barclay dans son ouvrage A New testament Wordbook, p.103, nous explique que "l’origine grecque du mot douceur "praüs" se réfère à quelque chose d’agréable. On utilise "praüs" pour se référer à une brise agréable ou à une voix calme. (…) "Praüs" est utilisé également envers une personne douce. Cependant, derrière cette douceur dans "praüs", il y a la force de l’acier".


La douceur de caractère n’est absolument pas la marque d’une personne faible. Bien au contraire. Cette force intérieure est nécessaire pour être doux avec les autres ou pour ménager leurs sentiments surtout si la situation nous semble injuste et nous irrite. L'idée de la force de l'acier en arrière-plan de l'origine du mot grecque, démontre une force intérieure cultivée sur la durée.



La douceur étroitement liée à l’humilité

« Le mot humilité (du mot latin humilitas dérivé de humus, signifiant "terre" est généralement considéré comme un trait de caractère d'un individu qui se voit de façon réaliste. L'humilité (…) s'acquiert avec le temps, le vécu et elle va de pair avec une maturité affective ou spirituelle. Elle s'apparente à une prise de conscience de sa condition et de sa place au milieu des autres et de l'univers ».


L’idée derrière l’origine du mot humilité qui est « terre », nous rappelle notre condition humaine, que nous sommes "poussière", nous pourrions nous comparer à une lueur dans la nuit à l’échelle de l’humanité, c’est-à-dire, pas grand-chose.


Une étude de l’université Duke sur 2494 sujets américains a démontré qu’être intellectuellement humble, c’est penser honnêtement que l’on n’est pas infaillible, ni d’une intelligence supérieure aux autres. C’est un signe d’intelligence car cela amène à prendre en compte des opinions variées et à élargir son spectre de réflexion.


Celui qui a dit : « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien », ne devait pas être un imbécile.


En effet, l’humilité nous aide à ne pas nous prendre trop au sérieux.


Être doux envers soi

Je fais ici référence à apprendre à s’aimer inconditionnellement. C’est une forme d’amour saine, qui n’a rien à voir avec le narcissisme ou la focalisation de soi et de sa propre réussite. Être doux envers soi c’est aussi se regarder avec les yeux du cœur, c'est être indulgent, prendre en compte sa propre condition humaine et être conscient que la perfection n’existe que dans les magazines de mode.

Cet amour de soi, cette douceur envers soi, appelée Philautia par les grecques de l’antiquité est la base d’une vie épanouie qui nous permettra, par ricochet, de démontrer un amour désintéressé envers les autres. « On ne peut, en effet, donner que ce que l’on a » ..


La douceur envers soi pourrait donc nous aider à cultiver nos relations puisque acquise, cette qualité nous permettrait d'user de tact, de délicatesse et d'élégance dans notre communication, comme on pourrait le faire pour soi ou s'attendre à ce les autres le fassent pour nous.


La douceur attire

Vous connaissez probablement cet adage : « Qui se ressemble, s’assemble ».

Il me semble d’ailleurs, que l’on peut le vérifier très souvent. Notons que les personnes rudes et dures attirerons des personnes qui leur ressemblent.


Notons également, qu’en règle générale, on se sent bien au contact d’une personne douce et gentille. D’ailleurs, ce profil de personne attirera peut-être tout type de profils (même les rudes), cependant ce sera à elle de faire le tri et d’aiguiser son sens de l’observation afin de déterminer si elle souhaite s’aventurer dans une amitié ou une relation avec ce genre de personne.




La perfection n’est pas de ce monde

Si à chaque fois que nous vivions une injustice, nous devions nous révolter, cette quête de justice pourrait être interminable, fatigante voire usante, tellement ces situations sont courantes.


Et si nous faisions un pas de côté, afin d’observer une situation que nous vivons comme une injustice, sous un angle neutre, factuel ? Nous pourrions alors nous poser les questions suivantes : Qu’est-ce qui s’est joué ? Qu'est-ce que cela a touché chez moi pour que je me sente si mal ou blessé ? Qu’est-ce qui a motivé cette ou ces personnes à dire ceci ou agir ainsi ? Qu’y-a-t ’il sous la couche de vernis ? Se pourrait-il que les agissements d’une personne envers nous et qui nous blessent cachent des sentiments d’insécurité, de peur, de doute chez cette personne ? Comment aurais-je réagi à sa/leur place ? Comment la personne que j'aimerais être aurait réagi ? Aussi, ne dit-on pas que «la carte n’est pas le territoire », la situation ne peut-elle pas avoir 10000 interprétations ?


Le fait de considérer l’autre comme une personne imparfaite qui commet des erreurs, erreurs qu’elle peut d’ailleurs regretter, pourrait aussi nous aider à la regarder avec les yeux du cœur. Nous pouvons nous aussi faire souffrir quelqu’un sans le vouloir et aimerions peut-être que l’on nous regarde avec la même indulgence.


Je vous encourage à prendre du recul et à observer avec honnêteté chaque situation.


Comment s'y prendre quand nous avons à faire à un "con".

Soyons honnêtes, nous sommes tous le con de quelqu'un. Je vous propose donc cette réflexion en toute humilité, il nous arrive à tous de déraper et d'être con. L'indulgence, la patience et la maîrise de soi pourraient-ils nous aider lors d'événements qui nous embarquent dans des émotions difficiles à contrôler ? Qu'en est-il de l'humour ? Et si rire de soi (et de l'autre) pouvait être une solution pour contrer les moments de désespoir ? Je vous invite chaleureusement à cette réflexion.


La douceur, une protection pour nos enfants

Un autre mot grecque pour désigner la douceur est "êpios". Il désigne "l’attitude d’une nourrice envers des enfants difficiles, d’un enseignant envers des élèves difficiles ou de parents envers leurs enfants".



Marshall B. Rosenberg dans son livre "Elever nos enfants avec bienveillance" nous invite à user d’un mode de communication qui est la CNV ou Communication Non Violente. Ce mode de communication nous aide à identifier nos valeurs et nos besoins réciproques, nous encourage à utiliser un langage qui favorise l’élan du cœur plutôt qu’un langage qui contribue au ressentiment ou diminue l’estime de soi. De plus, communiquer avec douceur nous permettra de toujours nous exprimer avec tact en évitant de blesser les personnes qui nous sont chères.


« Voyez comme un petit feu suffit pour incendier une grande forêt ! »


La douceur, une protection pour soi

Etre constamment dans l’agressivité, la colère, l’impatience génère des tensions dans le corps.


Christophe Haag, professeur à l’EM Lyon et chercheur en psychologie sociale nous informe au sujet de la colère : «À force de mettre le corps en surtension et en surrégime, cela est extrêmement énergivore pour l'organisme et le cerveau». Selon le professionnel, il serait même urgent de la maîtriser : «Elle est dans le "hitparade" du trop-plein d'émotions négatives ressenties aujourd'hui, je dirais qu'elle est assez dangereuse pour l'homme».


La douceur apaise les tensions. « Une parole douce, fais reculer la fureur ». Il se pourrait qu'un des antidotes de l’agressivité, de la colère et de la négativité soit donc de cultiver la douceur. On peut également exprimer cette belle qualité par le biais d'un silence bien placé. Je vous invite à expérimenter le calme d'un silence dans une situation de tension. Il se pourrait que votre interlocuteur se sente déstabilisé et que la tension, palpable, redescende.


Conclusion

La douceur est donc une belle qualité de l’âme, c’est une qualité qui se travaille. Elle est la marque des personnes qui ont une force intérieure éprouvée et travaillée sur la longueur. L’origine grecque du mot douceur nous rappelle qu'en arrière-plan, on retrouve la force de l’acier. Ne confondons pas douceur et faiblesse.

La douceur est également étroitement liée à l’humilité. Dans Micromégas (conte philosophique de Voltaire paru en 1752), Voltaire s’est amusé à jeter un regard consterné sur "l’orgueil démesuré des humains", il nous rappelle en effet que nous sommes des "êtres microscopiques" à l’échelle de l’univers. N’oublions pas d'allier douceur et humilité.

Gardons à l'esprit également l'importance de jardiner la douceur et la bienveillance envers soi, s’il nous arrive de perdre patience et de nous irriter, rappelons-nous que la perfection n’est pas de ce monde et que nous ferons mieux la prochaine fois. Observer avec les yeux du cœur, nous permettra également d’être plus indulgent avec les personnes qui ont pu nous blesser. Cette flexibilité psychologique et comportementale pourrait ainsi nous aider à préserver nos relations.

Aussi, la douceur attire la douceur. Alors efforçons-nous de cultiver cette belle qualité afin de nous entourer de personnes qui nous ferons du bien et nous « tireront vers le haut ».

Nos enfants nous imitent. User en abondance de douceur envers nos enfants (et oh combien cela peut être un défi parfois) sera une protection pour eux. Leur inculquer un mode de communication bienveillant peut déjà les doter de belles capacités de prise de recul, de patience, de bienveillance dans un monde qui va bien trop vite. Même si communiquer avec un enfant ou un adolescent n'est pas toujours simple, et que ça peut se terminer par une crise à gérer, nous leur transmettrons le modus operandi de notre communication bienveillante qu'ils utiliserons (probablement) quand l'adolescence aura laisser la place à un peu de sagesse. Adultes, ils pourront alors s'exprimer ainsi :"Eh je parle comme ma mère/mon père !" :)

Finalement, la douceur est bien sûr une protection pour soi dans notre quotidien dans nos relations aux autres, mais également nous évite des problèmes de santé. Cultiver la douceur nous permettra de travailler sur nos trois dimensions en ayant un cœur, un esprit et un corps calmes. Prenez soin de vous, toujours.



Sources


A new Testament Wordbook, Barclay, Londres, 1956

Elever nos enfants avec bienveillance, Marshall B. Rosenberg, Genève, 2007

Revue : Cerveau & Psycho, n°127, décembre 2020

Livre des Proverbes, chapitres 12 et 15, écritures hébraïques de l’ancien testament

Livre de Mathieu, chapitre 5, écritures grecques chrétiennes du nouveau testament

"Heureux ceux qui sont doux de caractère"

"je suis doux de caractère et humble de cœur"

Livre de Jacques, chapitre 3, écritures grecques chrétiennes du nouveau testament

Micromégas, Voltaire, France, 1752.



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