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La vulnérabilité : oser le souffle invisible d'un leadership humaniste

  • sandra_coaching
  • il y a 12 minutes
  • 6 min de lecture

Il y a, dans les replis du quotidien professionnel, des signes discrets qui ne trompent pas .. une voix qui hésite, un souffle coupé, une présence qui vacille sans bruit. Ce ne sont pas des failles, ce sont des instants d’authenticité où l’humain se révèle. Là, précisément, se glisse la vulnérabilité — souvent mal perçue, trop vite étiquetée comme faiblesse, alors qu’elle est, en réalité, un point d’ancrage puissant.


Dans mes accompagnements de dirigeants et managesr, je le vois éclore — parfois timidement, parfois avec soulagement. Ce moment où ils cessent de se protéger derrière leur rôle, leur masque et où ils laissent passer une émotion, un doute, une faille. C’est souvent à cet instant-là, lorsqu’ils s’autorisent à être pleinement eux-mêmes, que surgit leur véritable force : celle de faire place à la vulnérabilité, d’habiter une humanité assumée, sincère, profondément inspirante.


Cet article est une invitation à ralentir, à regarder autrement, à questionner ce que l’on croit savoir du leadership, à poser un regard neuf sur cette posture que l’on confond trop souvent avec un rôle à tenir. C’est une exploration sensible du leadership humaniste : celui qui relie plutôt qu’il ne contrôle, celui qui inspire plutôt qu’il n’impose. Un leadership où la vulnérabilité n’est pas une faiblesse à masquer, mais une voie d’accès à plus de présence, de justesse et d’humanité.


Leadership humaniste : une posture, pas un rôle à jouer

Le leadership humaniste ne s’impose pas, il s’incarne. Là où le management classique cherche avant tout à planifier, contrôler et obtenir des résultats, le leadership humaniste s’attache à créer du lien, à révéler les potentiels et à faire grandir l’ensemble du collectif. Ce n’est pas une méthode figée ou un style de management parmi d’autres : c’est une posture intérieure, un engagement à remettre l’humain au centre de chaque interaction, de chaque décision, de chaque transformation.


Contrairement à une vision managériale souvent centrée sur l’organisation, la hiérarchie et la productivité, le leadership humaniste trouve ses racines dans l’écoute, l’empathie, l’alignement avec ses propres valeurs. Il ne cherche pas à motiver par l’autorité, mais à inspirer par la cohérence. Là où le manager « fait faire », le leader humaniste « donne envie de faire ensemble ». Là où le premier s’appuie sur des outils, le second s’ancre dans une qualité de présence. Cela ne veut pas dire renoncer à l’efficacité. Bien au contraire. Mais cette efficacité ne se mesure plus uniquement en tableaux de bord. Elle se lit dans la qualité des relations, la confiance qui circule, la capacité d’une équipe à traverser les tempêtes sans se disloquer. Le leadership humaniste s’autorise à ralentir pour mieux ressentir, à questionner pour mieux comprendre, à accueillir les émotions pour mieux agir. Le leader humaniste ne gère pas les humains : il les rencontre.


Et pour rencontrer vraiment, encore faut-il accepter d’être soi-même touché car il n’y a pas de relation sincère sans vulnérabilité. Oser dire « je doute », « je ne sais pas », « ça me touche », c’est ouvrir un espace où l’autre peut aussi exister pleinement. C’est là que le leadership humaniste prend racine : dans cette capacité à se montrer sans armure, à assumer ses fragilités comme des lieux de lien, non de honte.


Et si la vulnérabilité n’était pas une faille… mais une voie ?

Dans Le Pouvoir de la vulnérabilité, la chercheuse Brené Brown renverse le paradigme. Pour elle, la vulnérabilité n’est pas une blessure à cacher mais un terreau fertile pour l’innovation, le courage, la connexion.(1 et 2) Elle écrit :



Et si c’était justement ce que le monde du travail appelle aujourd’hui, à voix basse ? Moins de façade, plus de vibration, moins de contrôle, plus de lien.. Quand un manager ose dire « je ne sais pas », « je me suis trompé », « j’ai besoin d’aide », il ne perd rien. Il gagne en crédibilité, en confiance, en impact. Il devient un repère vivant, non parce qu’il sait tout, mais parce qu’il ose être vrai.


Quand le masque tombe, la force émerge

La posture du leader humaniste n’est pas une recette, c’est un ancrage, une façon de se relier à soi avant de prétendre guider les autres. Comme l’exprime Isabelle Calkins :

« Quand je suis en paix avec mes parts d’ombre, je n’ai plus peur de celles des autres. Et je peux accueillir. »  (3)



Dans mes accompagnements, je vois des femmes et des hommes tomber les masques, dire leur fatigue, leurs doutes, parfois leurs peurs. Et dans cet espace sécurisé, s’ouvre un souffle, une présence, une puissance tranquille. La vulnérabilité n’est pas de l’émotion à nu lancée sans discernement, elle est l’expression juste de l’être, au bon endroit, au bon moment.


Une compétence émotionnelle… et stratégique

Les travaux d’Amy Edmondson (4) sur la sécurité psychologique en entreprise le démontrent : les équipes où chacun peut exprimer ses doutes, ses erreurs, ses idées sans peur du jugement sont plus performantes, plus engagées, plus innovantes. La vulnérabilité ne ralentit pas, elle libère, elle déverrouille, elle réhabilite la parole vraie, celle qui relie et fait circuler l’intelligence collective.


C’est aussi ce que défend Susan David, psychologue à Harvard (5) dans Emotional Agility : notre capacité à accueillir nos émotions avec souplesse, sans les fuir ni s’y noyer, est un levier fondamental pour diriger avec discernement et alignement.


L’élan vital de l’authenticité

Vulnérabilité ne rime pas avec impudeur. Elle suppose un travail d’alignement, une écoute fine de ses ressentis, un courage discret. Elle invite à faire la paix avec son humanité imparfaite, pour rencontrer vraiment l’autre. Comme l’écrit Carl Gustav Jung :

« Ce n’est pas en regardant la lumière qu’on devient lumineux, mais en plongeant dans son obscurité. »(6)

Dans un monde du travail qui s’épuise à courir après la perfection, oser l’imperfection devient un acte de leadership. Ce que je transmets à mes clients, c’est qu’un leader qui assume ses zones d’ombre, ses instabilités passagères, n’est pas un leader fragilisé, c’est un leader habité, qui inspire par sa présence, et non par sa performance.


Un nouveau récit du leadership

Le leadership humaniste ne cherche pas à dominer mais à relier. Il ne s’impose pas, il s’incarne. Il est un dialogue vivant entre soi, les autres et le sens. Et dans ce dialogue, la vulnérabilité est une clé d’entrée précieuse. Elle permet d’oser dire : « Je suis là, pleinement. Avec mes forces, mes doutes, mon désir de construire avec vous. » C’est ce que Bruno Poignard nomme « remettre du vivant là où l’on avait mis de l’automatique ». Il nous invite à désapprendre les rôles figés, pour laisser émerger une relation authentique au monde (7).


Conclusion : Une urgence douce

La vulnérabilité ne demande pas la permission, elle s’invite quand on cesse de se protéger. Elle est une respiration dans un monde qui retient trop souvent son souffle, une une urgence douce, presque silencieuse, dans des organisations en quête de sens. Elle ne fragilise pas .. elle libère. Elle ne retire rien à la légitimité, elle la rend plus humaine et plus vraie. Elle ne désarme pas l’autorité, elle fait émerger une coopération vivante, enracinée dans la confiance.

Oser sa vulnérabilité, c’est tracer un chemin où chacun peut cesser de jouer un rôle pour simplement être. C’est faire le pari que l’authenticité touche plus que la performance, que le lien précède le résultat. Et c’est souvent là, dans cet espace sincère, que l’intelligence collective peut enfin respirer.

Alors oui, j’accompagne les dirigeants et managers à accueillir cette part d’eux-mêmes qu’ils avaient parfois reléguée au second plan, non pour en faire un outil, mais pour s’y reconnecter avec justesse parce qu’un leader n’a pas besoin d’être parfait, il a besoin d’être simplement. Et c’est, je crois, en osant dire simplement : « Je suis humain », qu’il devient pleinement leader.


(1) Brené Brown, Le pouvoir de la vulnérabilité – La faille, la honte et le courage d’être soi, Éditions Guy Trédaniel, 2014.

(2) Brené Brown, The Power of Vulnerability, conférence TED, Houston, juin 2010. Disponible sur : Brene Brown : le pouvoir de la vulnérabilité.

(3) Isabelle Calkins, entretien réalisé par Sandra Bouzekouk-Morais, Soft Skill Magazine, 2025.

(4) Denis Migot, Sécurité Psychologique – Amy Edmondson “The Fearless Organization”, chaîne YouTube Scrum Life, 21 mai 2021. Disponible en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=aONM7XJpdtY

(5) Susan David, Agilité émotionnelle : se libérer, accueillir le changement et s’épanouir dans la vie professionnelle et personnelle), Avery, 2016.

(6) Carl Gustav Jung, cité par Jean Monbourquette dans Apprivoiser son ombre : Le côté mal aimé de soi, Novalis, 2001.

(7) Bruno Poignard, entretien réalisé par Sandra Bouzekouk-Morais, Soft Skill Magazine, 2025.

 
 
 

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